décembre 2015
« Les
mécènes du
niqab ». La pieuvre Daech. L’Algérie malade. « L’imam
blanc » de
l’Ariège, gourou maléfique. Rencontres à Dijon avec Dalila Abidi et Luc
Thiébaut. Les nouvelles algériennes d’Alphonse Daudet. L’invasion
de la mer de Jules Verne. Le faux ventre de
grossesse. En Corse violences contre les pompiers et contre les lieux
de prière
musulmans. Des Corans brûlés. Place de la République. Renifler la mort.
Début décembre
Parmi les lois qui
ne s’appliquent pas, la loi anti-niqab.
Des centaines d’infractions à la loi. Des « mécènes du
niqab »
règlent les amendes, comme certaines associations. La défense de la
laïcité est
affaiblie en permanence. La laïcité est mise en danger. On réagit
mollement.
Les policiers redoutent les tensions lors d’une verbalisation… On vivra
bientôt
dans un état de non-droit.
Et pendant ce
temps, Daech s’étend. On retrouve ses
combattants en Libye. La Tunisie, l’Algérie sont visées par l’EI qui
dit
vouloir « occuper » le Maghreb.
La Tunisie n’est
pas armée pour résister, l’Algérie va mal,
aussi mal que son président, comment s’opposera-t-elle au
djihadisme ?
L’expérience des années de plomb lui a appris l’arbitraire, la
répression des
civils comme dans tous les pays en développement. Il n’y a pas eu de
comités Vérité-Justice comme en
Afrique du Sud.
Personne n’a cherché à comprendre ces années. Les coupables
d’assassinats de
civils, par le GIA et par l’armée n’ont pas été jugés et sanctionnés.
Les
islamistes radicaux sont toujours là, la société s’est islamisée et les
femmes
subissent, les premières comme toujours, dans les moments de crise, et
la
baisse du prix du pétrole et du gaz va être fatale au pays, au peuple
algérien.
La rente pétrolière a rendu les Algériens improductifs, ralentis, sans
énergie,
sans inventivité. Le pouvoir est responsable de cet état léthargique,
dommageable à un pays qui aurait dû être le pays-phare de l’Afrique et
du monde
musulman.
Mon père aurait été
malheureux de son pays natal au
désespoir et dans l’incapacité de réagir.
6 au 7 décembre
Je lis dans le
journal Le
Monde une double page sur « l’imam blanc »
de l’Ariège. Un Syrien
naturalisé, portant un nom français : Olivier Corel. Il vit
dans une ferme
ariégeoise avec sa femme et des Syriens qui ont acheté un hameau
déserté. Il
est devenu gourou et « savant », enseignant en
science de la religion
musulmane. Comme tant de « mandarins »
universitaires, il a sa cour de jeunes hommes qui s’initient à l’Islam,
à la
langue arabe, au Coran. Plusieurs deviendront djihadistes. Les leçons
du Maître
sont efficaces. Ses jeunes admirateurs quittent Artigat, le fief de
l’« Émir blanc »,
pour la Syrie puis la
France. On connaît la suite.
Il s’agit toujours
de séduire les enfants. Et les petites
filles avec les poupées « Barbie » et aujourd’hui la
poupée
« Corolle », habillées comme des femmes. Laides et
niaises. Il paraît
que les petites filles préfèrent les poupées avec un drone aux poupées
avec un
livre…
11-12 décembre
Rencontres à Dijon.
À l’invitation de Luc Thiébaut,
fondateur de la Maison de la Méditerranée
et des Nuits de l’Orient, et de
Dalila Abidi. Dalila Abidi a mené la rencontre de la médiathèque avec
finesse
et efficacité. Sa générosité nous a réunis autour d’une table
gourmande,
joyeuse et bavarde. Luc Thiébaut m’a offert deux livres qui manquaient
à Mes Algéries en France et voyage en Algéries autour de ma chambre :
Contes du lundi
d’Alphonse Daudet,
des nouvelles dont quatre concernent l’Algérie : Le mauvais Zouave, l’histoire d’un zouave
déserteur ; Le caravansérail,
une auberge tenue par
une Alsacienne à la coiffe traditionnelle et sa fille
« mélange d’Orient
et d’Occident ». Un incendie déclenché par des Arabes détruit
l’auberge,
mère et fille meurent en défendant « le fusil au
poing » le caravansérail ; Un
décoré du 15 août, un Aga
reçoit la Légion d’Honneur, mais au Bureau arabe le maréchal Pélissier
lui dit
qu’on s’est trompé. Il n’a pas la croix. L’Aga se rend à Paris pour
voir
l’empereur. On ne le reçoit pas. Il a perdu son honneur « pour
un bout de
ruban rouge » ; et Le Turco
de
la commune, un tirailleur algérien se fait fusiller sur une
barricade à
Paris. Luc m’a donné un livre de la bibliothèque verte comme les livres
de
l’enfance dans l’école de mon père en Algérie : L’invasion
de la mer, de Jules Verne (1936). Luc m’écrit :
« Le projet de créer une mer intérieure est né au moins
cinquante ans
avant le roman de Jules Verne… Relier au golfe de Gabès les chotts du
sud
constantinois. » Dans le roman de Jules Verne, les Touaregs
s’opposent à
ce projet de « mer saharienne » qui les ruinera.
Le chef Hadjar mène
la révolte, mais il meurt avec la tribu,
lors d’une inondation provoquée par un séisme qui forme « une
mer
nouvelle ». Victoire de l’expédition française… Un roman
colonial.
Luc Thiébaut
m’envoie le récit de ses promenades algériennes
(2005-2014) d’une synagogue à l’autre, Bejaïa, Sétif, Constantine,
Jijel, El
Milia, Batna. Les jeunes algériens ignorent ce que c’est qu’une
synagogue. Les
synagogues ont été transformées en centres éducatifs et de
documentation. De
jeunes algériennes suivent des cours de couture sous « la
bénédiction
d’une belle inscription en hébreu ».
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4e
de couverture L’invasion de la mer. |
Couverture L’invasion
de la mer.
Fin décembre
Un couple suspect
est auditionné à Montpellier. Elle,
23 ans, catholique convertie à l’Islam depuis l’âge de
19 ans, lui,
Tchadien, 35 ans. Ils se sont mariés
religieusement. Elle porte le voile intégral, ils regardent des vidéos
violentes mises en scène par Daech. Elle dit à sa voisine que les
attentats de
Charlie sont un complot, une thèse officielle mensongère. Dans leur
appartement, on a trouvé un faux ventre de grossesse recouvert de
papier
d’aluminium. Pour passer plus facilement en Syrie ? Pour
dissimuler des
objets interdits ? Un faux ventre de femme enceinte, comme au
cinéma.
En Corse des
manifestations violentes après l’agression des
pompiers venus éteindre un incendie aux Jardins-de-l’Empereur, un
quartier
populaire d’Ajaccio, habité par une majorité de Marocains. Des insultes
« Les Arabes dehors… » « Sales
Arabes… » Dans les années
1980, avec D., Sébastien et Ferdinand, on passait le mois de juillet en
Corse,
à Cargèse. Mélanie Vaugeois est venue un été. Avec Sébastien, ils
improvisaient
des scènes de théâtre. Sébastien dessinait les deux églises de Cargèse,
la
latine et la grecque. J’ai deux lavis dans ma chambre. Lors de
promenades
autour de Cargèse, on pouvait lire sur les murs « Arabi
fora », les
« Arabes dehors », comme aujourd’hui. À la fin des
manifestations,
des groupes de Corses ont saccagé une salle de prière musulmane,
mettant le feu
à des Corans. On a peu parlé de cet autodafé… Les Corses ont aussi
menacé un
Kebab.
À Paris, place de
la République.
Après les attentats
du 13 novembre, des rassemblements
quotidiens ont lieu place de la République. Recueillement, prières,
bougies au
bord des fleurs qui pourrissent. Silence. Des hommes et des femmes sont
là,
respirant la mort des autres, mort violente, une scène de cinéma
réelle. Ils
cherchent des morceaux de fantômes… Ils ont vu, ils étaient présents…
Quelle
émotion ! De l’émotion pour toute la vie. De l’émotion à
raconter, ils
peuvent raconter, ils sont vivants.
Place de la République, Paris,
décembre 2015 (coll. part.)
Place de
la République, Paris,
décembre 2015 (coll. part.)
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