Août, septembre,
octobre 2015
La
Gonterie. Les
arbres de Lysel, comme à Hennaya, près de Tlemcen. La cigogne de
Chenaud.
Nontron, la guêpe de Lucien. Brantôme, Gustave Guillaumet, peintre
orientaliste. Saint-Michel-de-Montaigne. Le pays basque. Biarritz,
Hendaye, la
maison bleue de Pierre Loti. Espelette.
Pau.
Claude et Camille
Ortega. Les tombes de la famille de l’Émir Abd-el-Kader. Bayrou ne fait
rien
pour l’Émir.
Le
« Salon de la
femme musulmane ». L’esplanade de la mosquée Al-Aqsa à
Jérusalem, prélude
à la troisième Intifada ?
Fin août, début septembre 2015
À la Gonterie
avec D. La dernière fois ?
À Lysel,
outre-tombe, je raconterai la maison, les volets
verts, le feu dans la cheminée, les coings pour la gelée, les arbres
qu’elle a
plantés, le mûrier comme celui d’Hennaya près de Tlemcen, des mûres
rouges, les
figuiers, les figues seront bientôt violettes, le néflier qui remplace
le
lilas, le jardin de la maison d’école dans l’enfance algérienne, les
nèfles jaune-safran,
on les cueillait à l’arbre, comme les figues de l’aube, l’eucalyptus
foudroyé
par le gel repousse, il sera aussi haut que le cyprès sur la terrasse
des
noisetiers. Je raconterai aussi à Lysel la cigogne de Chenaud, le
village de
notre mère en Dordogne. L’ancienne auberge n’a pas été vendue et la
cigogne de
pierre, couchée au-dessus de la porte résiste, et Nontron où se
fabriquent les
couteaux au manche de buis, les presse-agrumes, les sabliers… La guêpe
qui a
piqué Lucien Igor Suleïman, 3 ans. Et le monument aux morts de la
guerre de
1870, je ne l’avais pas remarqué jusqu’à cette année où je me suis
assise sous
les tilleuls près de deux jeunes filles qui parlaient de leurs cheveux
au pied
du soldat.
Photo 1 :
La Gonterie, septembre 2015 (Coll. Part.).
Photo 2 :
La Gonterie, septembre 2015 (Coll. Part.).
Dans la mairie
de Brantôme, j’ai demandé à voir deux
tableaux d’un peintre orientaliste dont m’a parlé Marie Gautheron qui
organise
une exposition de Gustave Guillaumet (1840-1887), auteur de Tableaux algériens (1888). Dans la
grande salle de la mairie, un tableau caravanier mal éclairé, un
tableau plus
petit : une femme au bord d’un oued, mal éclairé. Il faudrait
que le maire
valorise le patrimoine qu’il possède. Grâce à l’amabilité de la
personne de
l’accueil j’ai pu apercevoir ces deux tableaux. Quant aux tableaux du
musée de
Limoges où je me suis arrêtée, impossible de les voir, ni même de
savoir s’ils
existent dans le musée…
3 septembre
En allant au
pays basque. Saint-Michel-de-Montaigne. Le château,
la tour où Montaigne écrivait, son coffre de voyage… Le village, une
stèle pour
Montaigne, un « Foyer Laïque Rural », l’école
communale de la
république, l’église romane où le père de Montaigne est enterré… Relire
Les essais pour donner
corps et âme aux
vestiges de pierre.
4 septembre
À Libourne,
après les vignes du Saint-Émilion, le Grand
café de l’Orient, en face du
lycée. À Biarritz où j’aurais pu rencontrer Jean-Jacques Gonzales et
Alain
Vircondelet, deux écrivains présents dans le livre que je
dirige : Une enfance dans la guerre,
Algérie
1954-1962 pour les éditions Bleu autour, deux cafés sur l’une
des places de
la ville : Le Khédine et La Coupole.
Photo 3 :
À Libourne après Saint-Émilion, septembre 2015 (avec D.),
(Coll. Part.).
Photo
4 : Biarritz, septembre 2015 (avec D.), (Coll. Part.).
Photo5 :
Biarritz, septembre 2015 (avec D.), (Coll. Part.).
5 septembre
Hendaye. Il
est plus difficile en France à Hendaye dans le
pays basque de trouver la maison de Pierre Loti que dans la ville
d’Istanbul,
le Café Loti. Rien n’est fait pour
inciter le voyageur à s’arrêter à la maison bleu outremer de Loti, au
bord de
la Bidassoa. Une maison fermée au visiteur. Pierre Loti y venait avec
la mère
basque de ses enfants clandestins ? Il avait installé cette
deuxième femme
à Rochefort, là où vivait sa femme légitime dans la maison familiale,
m’a dit
Alain Quella-Villéger, spécialiste, avec Bruno Vercier de Pierre Loti,
éditeurs
de son immense correspondance. Près de la maison de Loti, à Hendaye,
une maison
mauresque massive, carrée, qu’on prend pour celle de Loti
l’orientaliste. Elle
est posée là, par qui ? Solide, hermétique sur le sable
rocheux de la
Bidassoa. Qui vit dans cette forteresse ? Aucun signe de vie.
Vers
Espelette, la petite ville aux piments rouges. Le
paysage vallonné, les maisons colorées, un soleil doux sur les fermes,
on se
dit : vivre ici, oui, vivre ici, mais on ne reste pas. La
maison d’un
collectionneur nostalgique d’outils paysans, collectionneur invisible.
Photo 6 :
Espelette (pays basque), septembre 2015 (avec D.), (Coll.
Part.).
Photo 7 :
Espelette (pays basque), septembre 2015 (avec D.), (Coll.
Part.).
7 septembre
Pau. La ville
de Claude Ortega que j’ai connue à Paris, dans
les CVB (comités Vietnam de Base) contre la guerre américaine au
Vietnam peu
avant 1968. Camille Ortega son mari est né en Algérie. Il n’en a jamais
parlé
ou à peine. C’est peut-être par sa femme Claude que je l’ai appris.
J’aurais
aimé lui offrir L’enfance
des Français d’Algérie avant 1962 (éd. Bleu autour, 2014). Je
ne sais ce
qu’il en aurait pensé. Ils habitent dans la région de Pau. La prochaine
fois…
Savent-ils que
l’Émir Abd-el-Kader a séjourné à Pau avec sa
smala, prisonnier de la France après son départ de l’Algérie coloniale
et la
victoire de Bugeaud ? Savent-ils que deux des siens sont
enterrés dans le
cimetière de Pau ? « Le cimetière urbain ».
Avec D. on
prend un café au d’Artagnan près du
cimetière. Un tabac Loto PMU. Le patron
s’appelle Omar. Il est 11 heures, il fait beau. Deux jeunes
clients arabes
boivent des bières-bouteille au comptoir.
– Vous
connaissez l’Émir Abd-el-Kader ?
– Non,
répond Omar le patron.
– Vous
êtes algérien ?
– Je
suis marocain, mais lui, il doit connaître l’Émir.
Un jeune homme
aux yeux noirs, vifs, Algérien.
– Je
connais l’histoire de l’Émir. Il a été emprisonné
à Pau par l’Empereur. Des membres de sa famille sont enterrés dans le
cimetière, pas loin.
– Vous
êtes allé voir les tombes ?
– Ah !
non…
– Pourquoi ?
– Parce
qu’il y a des esprits…
Ils rient, le
patron et les jeunes clients.
Le cimetière
en face de la caserne Bernadotte. Sous un
auvent un vieil homme est assis, entre caserne et cimetière. Un ancien
militaire ?
Aucune
indication dans le cimetière. On fait plusieurs
tours. Personne. À la sortie un ouvrier nous renseigne. Au bord du mur
de
pierres, deux tombes musulmanes. Sur l’une des inscriptions en arabe,
sur
l’autre en français « Louange à Dieu L’unique ». Un
croissant dans le
marbre de la stèle. « Est décédé à Pau le 2 octobre
1865 Mohamed el
Hadj Ahmed Bou Akkas Ben Achour ». Au pied des tombes, des
« fleurs
de cimetière » en céramique (les musulmans ne mettent pas de
fleurs sur
les tombes, les juifs non plus). Autour des fleurs, un chapelet en
perles
d’ambre, comme celui que j’ai acheté pour mon père.
Quatre-vingt-dix-neuf
perles, les 99 noms d’Allah. Sur les deux stèles du côté de
l’allée :
« Concession à perpétuité ». Pour l’éternité,
l’Orient en Occident…
Il faudrait
demander à Monsieur Bayrou, élu de Pau,
d’accorder l’attention qu’il mérite à l’Émir et sa famille. Je lui
écrirai en
ce sens.
Photo
8 : Tombe d’un membre de la famille de l’Émir Abd-el-Kader,
prisonnier à
Pau, septembre 2015 (Coll. Part.).
Photo
9 : Tombe d’un membre de la famille de l’Émir Abd-el-Kader,
prisonnier à
Pau,
septembre 2015 (Coll. Part.).
Samedi-dimanche 12-13 septembre
À Pontoise,
« Salon de la femme musulmane » où des
prêcheurs et des imams salafistes sont les seuls à parler pour menacer
les
femmes qui n’obéissent pas à leurs prescriptions. Les femmes en niqab
font
leurs courses halal.
Lorsque
surgissent deux Femen maghrébines, sur leur torse
nu : « Je suis mon propre prophète » et
« Personne ne me
soumet ». Scandale ! Deux hommes en kamis et calotte
les chassent à
coups de pied… La direction de « l’Événement »
portera plainte pour
exhibitionnisme.
25 septembre
Sur le chemin
de Radio-France, je m’arrête au Kennedy-Eiffel,
le
bar-brasserie-tabac-journaux-Loto-PMU. Le patron chinois qui l’a acheté
il y a
plus de dix ans a gardé, derrière le comptoir, l’affichette bizarre qui
s’adresse aux clients :
« Toi
vouloir crédit !
Moi
pas
vouloir !
Toi
pas
content ?
Moi
OK pour
crédit !!
Toi
pas payer
crédit !!
Moi
pas
content !!
Alors
moi préfère
toi pas content !!!
La
Direction ! »
À quels
clients s’adresse vraiment le patron ?
Octobre 2015
Les Américains
poursuivent leur stratégie : l’exécution
arbitraire de « combattants terroristes » (Guantánamo
a gardé des
années durant et garde encore prisonniers des suspects jamais jugés, on
le
sait). Les drones sont efficaces pour cette opération de nettoyage
contraire
aux Droits de l’Homme. « C’est la guerre » disent-ils.
Les premiers jours d’octobre
La mosquée
Al-Aqsa à Jérusalem, enjeu de conflits graves
entre Israéliens et Palestiniens. Des intégristes israéliens occupent
l’esplanade de la mosquée interdite aux non-musulmans et suivant les
crises,
interdite aux Palestiniens de moins de 50 ans. Les
Palestiniens défendent
leur mosquée contre une occupation illégale. Ce conflit religieux
s’ajoute au
conflit territorial de la colonisation qui se poursuit pour empêcher
l’existence d’un État palestinien. Des colons incendient des maisons où
meurt
un nourrisson, coupent les oliviers des derniers paysans palestiniens,
la
colonisation se poursuit.
Des couteaux à
la place des pierres.
De jeunes
Palestiniens assassinent des Israéliens au
couteau, ils sont à leur tour tués sur place. C’est l’escalade de la
haine et
de la violence meurtrière.
Où est la
solution pour deux États ?
11-12 octobre
À Limoges,
Marie Virolle, éditrice de la revue Algérie –
Littérature – Action et de Marsa-éditions
organise une semaine de
rencontres « Citoyennes de la diversité créatrices de
beauté » (sur
le modèle « citoyens de beauté » du poète Jean Sénac
l’Oranais).
Spectacles, ateliers, films, expositions dont celle de Khadija Seddiki,
peintre-tisseuse
née sur les Hauts Plateaux de Nora Aceval, la conteuse. Je l’ai
rencontrée à
Sarreguemines il y a quelques années. Elle a la beauté des femmes des
Plateaux
algériens comme Nora. La soprano Malika Bellaribi a chanté à l’opéra de
Limoges. Avec Dominique Le Boucher,
écrivaine, nous avons présenté notre dialogue mis en récit par
Dominique :
Traversières, dialogue avec Leïla
Sebbar,
photographies en couleurs de Jacques Du Mont (éd. Marsa, 2015). Marie
Virolle a
réussi un beau livre dans sa maison bleue près de Limoges. On a envie
de le
lire. Et Dominique Le Boucher a mené de façon remarquable un échange
littéraire
sur les chemins de traverse, à la lisière, au croisement toujours,
chemins qui
sont les nôtres depuis que nous écrivons, l’une et l’autre.
Avec Marie
Virolle et Nadia Bentchicou qui a aidé et soutenu
le projet de Marie, nous nous sommes promenées dans la ville que je
découvre.
Le quartier des bouchers où il n’y a plus de bouchers, restent les
enseignes et
la couleur rouge des devantures. Dans la chapelle Saint-Aurélien, une
statue de
la vierge et de Sainte-Anne avec l’enfant Jésus qui porte à sa bouche
un
rognon… C’est la chapelle des bouchers et Sainte-Anne la protectrice de
la
profession.
Plus loin,
l’église Saint-Michel-des-Lions. Sur le parvis,
deux lions en pierre, si usés qu’ils ont perdu leur crinière, ils
ressemblent à
des lionnes. Dans l’église deux Pietà médiévales. L’une d’elles à
droite, tient
le Christ allongé sur ses genoux, Marie, mater dolorosa, la tête
enveloppée
dans des voiles bleus et blancs serrés sur le front. Le Christ est nu,
mais un
linge de pierre, plissé, couvre le bas-ventre sur lequel on a posé un
chrysanthème blanc, coupé dans un bouquet de fleurs fraîches aux pieds
de la
Pietà. Il est très maigre. Une vieille femme s’avance vers la Pietà, se
penche
sur le fils mort, le caresse, caresse la pierre, depuis le visage
jusqu’aux
pieds qu’elle embrasse plusieurs fois.
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