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Sébastien Pignon
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Décembre 2014
Ex-voto
pour un jeune homme. Les fruits des Bangladais. Machines à coudre
contre couteaux en Afrique. Photographies des Hauts Plateaux algériens
de Nora Aceval. Ma sœur Lysel en Algérie à Hennaya dans l’école de mon
père.
Lysel
n’ira pas à Ténès.
Noyant
d’Allier. Patrice Rötig, fidèle aux réfugiés vietnamiens.
Début
décembre
Contre
la grille autour d’un jeune platane, au bord du boulevard Blanqui,
pendant plusieurs mois, des ex-voto pour un jeune homme mort dans un
accident de moto, à cet endroit. Des photos de lui, des lettres, des
fleurs artificielles. Les intempéries ont délavé et froissé les
papiers. Les fleurs n’ont pas souffert de la pluie.
Aujourd’hui les
vendeurs à la sauvette bangladais accrochent à la grille leurs Caddies
en acier et en plastique, pour transporter les cageots de fruits que
des patrons grossistes préparent pour eux au marché de Rungis. Un
trafic qui rapport gros aux grossistes de Rungis. La police saisit les
Caddies, parfois la marchandise. Rien n’y fait. Les petits vendeurs
reviennent à leur poste à la sortie du métro sur toute la
ligne 6.
2 décembre
Des
machines à coudre (Singer ?) contre des couteaux. Le quotidien
Le
Parisien raconte que Adeline Faure, une jeune styliste qui
travaille
entre l’Europe et l’Afrique, propose de former des couturières
africaines qui ont été des exciseuses. Son Association contre
l’excision ACZA envoie des machines à coudre en Côte d’Ivoire pour la
conversion des exciseuses en couturières. L’article ne dit pas si
l’opération a marché et si la styliste a réussi à former des
couturières pour son atelier de mode contre la tradition, contre les
couteaux mutilateurs.
En France, malgré le risque (10 ans de
prison), 53 000 femmes sont excisées et 30 % de
filles dont
les mères sont excisées, sont excisées. Un crime contre les petites
filles et les femmes, perpétué par les mères et les femmes malgré
l’interdiction dans certains pays africains.
5 décembre
Chaque
fois que Nora Aceval – qui a écrit un texte dans L’enfance des Français
d’Algérie, avant 1962 (éd. Bleu autour, dessins Sébastien
Pignon,
janvier 2015) – retourne sur les Hauts Plateaux algériens,
elle me
rapporte des photographies qui disent ce pays natal que je ne connais
pas. Pourquoi j’aime les marabouts des Saints musulmans ?
Pourquoi
ils me touchent aux larmes, quand je n’ai eu aucune éducation
religieuse, ni musulmane ni chrétienne ? Nora continue à
penser à
moi.
Nora Aceval à Tousnina, 2002.
(Photo de Seyad Khaled.)
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Les labours à Saïda
(novembre 2014). (Photo Larbi Bouhebtoun, Tiaret.)
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Mausolée détruit par les fils
après la mort de leur père (Tousnina,
près de Tiaret). (Photo Nora Aceval, août 2013.)
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Marabout Sidi Rabah près de Tiaret
(2012). (Photo Nora Aceval.)
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Mausolée Emir Khaled
(octobre 2014). (Photo Nora Aceval
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Cimetière de Sougueur près de
Tiaret (décembre 2012). (Photo Nora Aceval)
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26 décembre
Au
café de mon quartier, L’Alouette,
une vieille femme et son aide
personnelle, la même depuis plusieurs années. Elles s’assoient, elles
bavardent, surtout la vieille femme.
La vieille. « En ce
moment, je récite plein de poésies, ça me revient, comme ça… »
Elle récite des vers qu’on entend mal « C’est des vers de
Racine…
J’ai appris tous ces vers il y a très très longtemps, j’aimais ça. J’ai
une bonne mémoire. Dans ma famille, pour les dates importantes, on dit
toujours "demande à Catherine". » La jeune ne répond pas. Elle
téléphone.
La vieille. « Je veux prendre la rue du
Champ-de-l’Alouette. » Elle se lève avec difficulté et prend
le
bras de la jeune femme. Elles s’en vont.
27 décembre
Le
préfet de police a pris un arrêté d’expulsion des chibanis du 73 rue du
Faubourg-Saint-Antoine sous prétexte qu’il n’y a pas de gardien diplômé
pour assurer la sécurité en cas d’incendie. « Relogement
possible
dans un ancien foyer pour cadres SNCF, dans le
13e arrondissement. »
28 décembre
Les escaliers
qui montent vers la Butte aux Cailles, par le square Brassaï dans le
13e arrondissement, sentent le figuier. J’ai pensé à ma sœur
Lysel, au figuier de notre maison dans le village de l’enfance
algérienne, au figuier de la Gonterie près des bambous, en Dordogne,
notre enfance côté mère. Irons-nous encore longtemps dans le
Périgord ? Avec ma sœur Danièle et Lysel, nous aurions passé
quelques jours à la Gonterie à Pâques. Lysel a revu le pays natal,
l’Algérie, avec son fils aîné Karim. Elle a fait un
« pèlerinage » pour nous, Alain mon frère aîné,
Danièle et
moi. Elle reviendrait pour la ville de mon père, Ténès. Elle ne
reviendra pas.
Avec Karim, Lysel est allée à Hennaya, dans
« l’école de garçons indigènes » de mon père. Karim a
pris
des photos de « l’école de garçons »,
« indigènes »
a été gratté. Le directeur de l’école les a reçus dans son bureau, ils
ont consulté les archives. Peut-être auraient-ils retrouvé un livre de
« Leçons de choses, cours élémentaire. A. Hatier.
Éditeur », 1936, que j’ai chiné chez une bouquiniste de
Saint-Malo
« Le Septentrion », livres anciens, c’était en
août 2014, avec D.
Couverture
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L’huile
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Le
porte-plume
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Le
papier
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Le
pétrole
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Le
morceau de sucre
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La
soie
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Table
des matières
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Fin
décembre
Patrice
Rötig a pris ces deux photos de Noyant-d’Allier, le village des
réfugiés vietnamiens. Nous n’avions pas vu cette statue d’une mère et
ses enfants lors d’un voyage pour Journal
de mes Algéries en France ou Mes Algéries en France ?
(éd. Bleu autour). Patrice et Deniz
sont
en Turquie sur l’île Heybeli, au large d’Istanbul. Patrice m’a promis
qu’il irait, un été, aux Dardanelles pour les tombes des soldats
d’Afrique, si le cimetière existe toujours.
Noyant-d’Allier,
le village vietnamien. (Photo Patrice Rôtig, 2014)
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Noyant-d’Allier, le village vietnamien. (Photo Patrice Rôtig, 2014) |
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