Janvier
– février 2015
Le
7 janvier 2015
Massacre
à Charlie
Hebdo.
12 morts et un policier.
Les
8 et 9 janvier 2015
Massacre
à Hyper
Cacher.
4 morts et une policière.
Les
frères Kouachi et Amedi Coulibaly ont décidé
d’assassiner des intellectuels, des Juifs, des policiers. Ils sont
djihadistes.
Le
11 janvier 2015
Une
manifestation d’union nationale contre le terrorisme.
C’était
en 1983.
Ils
étaient jeunes, ils étaient beaux, ils étaient en
colère. Vingt ans. Ils criaient, ils chantaient, ils protestaient, ils
manifestaient dans les rues où ils marchaient, depuis Marseille jusqu’à
Paris.
« La Marche des Beurs ». Garçons et filles. Keffieh
palestinien
autour du cou. Ils réclamaient, pour eux, l’égalité. À travers
villages,
villes, campagnes de France, ils découvraient le pays de leur
naissance, le
pays de l’exil des pères et mères, les Français et les Françaises qui
n’habitaient pas leurs banlieues. Et eux aussi, les Français et les
Françaises
découvraient ces Beurs dont parlait la télé. Ils étaient là, en chair
et en os,
ils allaient à pied sur les routes, ils ressemblaient à leurs enfants,
peut-être plus « teintés » comme disaient certains
paysans au bord
des fossés, les regardant marcher, courir, sauter, dans l’élan de leurs
vingt
ans.
En
ces années-là, pas de foulard islamique, ni barbe
teinte au henné, pas de « Allah ouakbar ». Filles et
fils de
musulmans immigrés, ils criaient pour être citoyens à part entière. Ils
ne
voulaient pas être invisibles comme les pères et mères, ils étaient là
de plein
droit et ils entendaient le faire savoir. Ils ne mettaient pas la
religion au
« poste de commandement », selon l’expression des
maoïstes dans les
années 1970.
Ils
ont marché.
Jusqu’au
Palais de l’Élysée où le président de la
République les a reçus. Les mères, devant la télévision,
reconnaissaient l’un,
l’autre, l’une, l’autre, avec les voisines et les cousines elles
s’exclamaient,
fières de leurs enfants, leur audace, de l’honneur que la France
accordait ce
jour-là, aux fils et aux filles nés de leur ventre sur cette terre où
elles ne
voyageaient pas.
Et
aujourd’hui, les garçons et les filles qui font le
Djihad guerrier, en ces années 2000, ils ont vingt ans, nés sur le sol
du pays
où les pères et mères ont travaillé, travaillent encore ou ne
travaillent plus,
au chômage, souvent. Ils habitent les mêmes cités, les mêmes banlieues
rénovées
après l’explosion des tours et des barres. On a planté des arbres. On a
construit des bibliothèques et des gymnases, des maisons de quartier.
Des
bibliothèques et des écoles ont été brûlées, des livres partis en
fumée, seule
la cendre est restée au sol. Règlements de comptes entre bandes pour la
drogue,
poursuites policières avec la mort au bout de la route. Des familles
accablées,
démunies, impuissantes parfois complices. Monoparentales souvent. Que
font les
pères ? Où sont-ils ? Familles polygames, des
enfants, trop
d’enfants. Comment on élève trop d’enfants ?
Les
garçons prennent les quartiers comme on prend une
place forte. Maîtres des lieux. Tyrans avec les sœurs, caïds, fiers de
leurs
années de prison, tout-puissants comme dans les jeux vidéo. Ils sont
les
conquérants. Ils font la loi avec les armes, la terreur, la drogue, le
crime.
Outre-Atlantique
2001, les tours jumelles coupées en deux
par des avions ennemis s’effondrent, flammes, fumée, cris, morts.
Des
terroristes arabes, musulmans, attaquent l’Amérique.
Scandale. Des Saoudiens pour la plupart, sous les ordres d’Oussama Ben
Laden,
un ami partenaire des USA comme l’Arabie Saoudite.
Les
troupes américaines fondent sur l’Afghanistan à peine
libéré des troupes soviétiques. Des Saoudiens se seraient entraînés en
Afghanistan, le nouveau fief de Ben Laden et des Talibans qu’il faut
éradiquer.
Des années de guerre, de violences meurtrières, pour laisser le pays
aux
Talibans après le départ des Américains et des élections que personne
ne
respectera.
2003.
Après la guerre du Golfe, les USA partent en guerre
sous des prétextes fallacieux contre l’Irak et Saddam Hussein.
C’est
le chaos. Saddam Hussein est assassiné.
Cependant,
en Algérie, après le coup d’État militaire
contre le succès des islamistes aux élections, c’est la guerre. Les
années
1990. Des années noires. La terreur islamiste fait plus de
100 000 victimes avec la terreur policière et
militaire. Massacres,
décapitations, enlèvements de jeunes filles, viols, mariages forcés
dans les
maquis. Sept moines de Tibhirine près de Médéa sont assassinés. On ne
sait
toujours pas, en 2015, quelle est la part des islamistes du GIA et la
part des
autorités politiques et militaires. Les têtes décapitées ont été
retrouvées,
les corps non. La concorde civile ordonnée par le Président Bouteflika
empêche
la justice d’agir et de juger les coupables de part et d’autre. Pas de
comités
« Vérité, Justice » pour tenter de comprendre, de
faire la lumière.
L’Algérie souffre de ce silence politique, coupable, qui empêche les
Algériens
de vivre aujourd’hui.
Les
effets de l’islamisation de l’Algérie se feront sentir
en France avec l’affaire du foulard islamique. Des manifestations de
jeunes
musulmanes, encadrées par les grands frères, qui réclament le droit de
porter
le hijeb,
sur des panneaux on peut lire « Françaises et
musulmanes ». Les jeunes filles au hijeb sont jeunes, jolies,
fougueuses.
Les filles de celles qui marchaient en 1983 ? Il a fallu une
loi en 2004,
pour interdire le port de signes religieux à l’école et le port du
voile
intégral qui masque le visage, le niqab,
dans l’espace public. Dans les rues, de plus en plus de
jeunes filles en hijeb, coquettes et arrogantes. En 2015, un
« parti
démocrate musulman » qui réclame l’abrogation de la loi sur le
foulard
islamique à l’école.
En
2011, le monde arabe se réveille. Révoltes arabes en
Tunisie, en Égypte, en Syrie. Manifestations dans les villes, hommes et
femmes,
jeunes et moins jeunes, les réseaux sociaux sont le moteur technique
des
rassemblements. On entend partout l’appel au départ des dictateurs
« Dégage ! » en français. Ben Ali, Moubarak
dégagent. Commencent
les difficultés politiques. Triomphe des islamistes, des démocrates,
des
libéraux, des militaires ?
En
Égypte, les Frères musulmans gagnent les élections,
aussitôt détrônés par un coup d’état militaire qui persécute,
emprisonne Morsi
et nombre de civils, ses partisans. Le général al-Sissi triomphe. En
Tunisie,
une constitution voit le jour, la référence à l’Islam n’est pas
principale, le
droit n’est pas fondé sur la loi coranique. Les femmes tunisiennes ont
joué un
rôle politique essentiel dans ces années-là de 2011 à 2015.
En
Syrie, Bachar el-Assad mène une guerre meurtrière
contre son peuple. Près de 200 000 morts en 2015 et
le massacre
continue. Contre les civils syriens, les premiers rebelles et les
combattants
de l’EI (État islamique pour le califat de Baghdadi) alias DAECH.
Pour
quelles raisons la France de Sarkozy avec le soutien
des Anglais et des Américains, intervient en Libye sous les vivats de
la
marionnette BHL (Bernard Henri Lévy, le philosophe français le plus
clairvoyant
des temps modernes) ? Sous prétexte que Khadafi préparait un
massacre à
Benghazi. Encore une fois, le chaos. On ne distingue plus les rebelles
opposants au dictateur, les miliciens, les partisans du chef d’État,
les tribus
amies, ennemies.
Conflits
pour le pétrole, pillage des arsenaux, trafics
d’armes… c’est l’anarchie. L’État central n’existe plus. Khadafi a été
assassiné. Comme Saddam Hussein.
Les
interventions militaires occidentales, avec l’aval des
instances internationales, ont imposé le désordre, le malheur à des
populations
civiles arabes qui ne demandaient rien à ces puissances étrangères qui
retrouvent les réflexes de l’impérialisme colonial.
En
outre, deux axes s’affrontent en Orient. L’axe sunnite
et l’axe chiite. On assiste à des affrontements interreligieux sans
précédent.
D’est en ouest. Nord-sud. Sans compter les conflits religieux
chrétiens-musulmans en Afrique de l’Ouest jusqu’à la corne d’Afrique.
Là
encore, la France envoie sa troupe comme à l’époque coloniale, sans
réfléchir
aux conséquences désastreuses (malgré les discours de victoire) qui
s’ensuivent.
Boko Haram, cette secte djihadiste sanguinaire trouve des partisans
malgré des
actes criminels et s’étend jusqu’au Tchad, au Cameroun, au Niger depuis
le
Nigeria. L’union africaine tarde à prendre les décisions qui
s’imposent, les
États tardent à organiser leurs militaires pour passer à l’acte (comme
en Irak
contre DAECH qui massacre les chrétiens et les yézidis que les Kurdes
irakiens
ont été les seuls à défendre).
Ainsi,
un mouvement se dessine, se renforce depuis
plusieurs années, dont on ne prend pas la mesure, avant la catastrophe.
Un
mouvement qui contamine l’Orient tout entier, l’Afrique et l’Europe.
Des
intellectuels musulmans dont Abdelwahab Meddeb (sa
mort nous prive d’un analyste indispensable aujourd’hui), des
intellectuels
européens ont alerté des pouvoirs publics, politiques qui n’ont pas
réagi comme
ils le devraient. Une sorte d’angélisme, de naïveté paresseuse qui a
conduit à
la situation actuelle en France, où affluent les réfugiés musulmans et
chrétiens d’Orient et les Africains, la proie des passeurs maffieux et
criminels, recueillis par l’Italie qui les prépare à un nouvel exode
vers la
France et l’Europe du Nord, l’Europe de l’Est étant elle-même en exode
vers
l’Ouest. Circulation intense et trafic des personnes et des biens,
déplacements
permanents des populations victimes des conflits et des guerres… Nul ne
sait ce
que cela produira.
Pas
de frontières pour DAECH, ces nouveaux islamistes
radicaux qui construisent un État islamique sur le crime, le sang,
l’antisémitisme, la décapitation de l’ennemi, est ennemi celui qui ne
suit pas
les préceptes de ce nouvel État, l’ennemi peut être musulman, chiite,
chrétien,
juif, occidental laïque, l’ennemi est partout, il est partout à abattre
jusqu’aux 21 Coptes égyptiens décapités face à la mer, en
Libye, où
s’implante DAECH. Il faut instaurer une République islamique partout à
la place
des États en Orient d’abord puis en Occident. La loi islamique de DAECH
doit
être imposée par la force, la terreur et les réseaux sociaux servis par
des
informaticiens au service du mouvement, se chargent de l'image qui va à
la
vitesse de l’éclair partout dans le monde.
Et
voilà, en ces années 2013 – 2014 – 2015, des jeunes
gens et des jeunes filles, les filles de ceux qui avaient
20 ans en 1983
et qui marchaient sur la terre de France, le pays natal qui
deviendrait, au
bout des kilomètres dans les champs, à travers les villages, au bord
des fermes
et des rivières, dans les villes et les bois inconnus jusqu’alors, la
France
deviendrait vraiment le pays natal, l’État de droit qu’ils désiraient…
Et voici
que fils et filles des années 2000 s’engagent avec des condisciples
convertis à
l’Islam, dans une aventure clandestine contre les familles, contre le
pays
natal, la France, contre la liberté conquise dans ce pays et ils se
retrouvent
loin, très loin, les garçons avec une Kalachnikov et un couteau pour
égorger,
les filles dans des chambres où elles seront servantes et épouses pour
donner
des mâles au nouvel État. Elles pensaient faire œuvre humanitaire,
elles seront
épouses, mères et domestiques pour la Cause. Les garçons, pour la
Cause,
apprendront la guerre et la décapitation d’otages. Ils sont tout à coup
surpuissants, toujours les plus forts, ils font peur et ça les rend
fiers, ils
peuvent humilier, torturer, tuer pour servir DAECH. Ils peuvent mourir
aussi au
service de la Cause. Ils seront des martyrs. Avec les honneurs et les
femmes
dus aux martyrs, dans l’au-delà.
Et
les voici, ces jeunes hommes nés en France, le pays de
leurs pères et mères, élevés à l’école de la rue et à l’école de la
République,
à l’école de la délinquance, de la drogue et de l’argent les voici,
esclaves de
DAECH et AL-QAÏDA, des révoltés qui obéissent à l’aveugle à des ordres
assassins, les voici devenus criminels, terroristes contre la liberté
d’expression, ils exécutent des journalistes et dessinateurs de Charlie
Hebdo,
des
policiers et des Juifs. C’est leur mission au nom d’un Dieu imaginaire
et
sanguinaire qu’ils appellent « Le Dieu de l’Islam ».
Le Dieu fabriqué
par une secte fanatique qui justifie le Djihad meurtrier contre la
France
d’abord, les Occidentaux, et les frères ennemis musulmans.
Alors,
le 11 janvier, manifestation unitaire
nationale contre le terrorisme, le Président Hollande en tête avec les
représentants des États européens et amis. Une belle unanimité sans
bavure,
tout s’est très bien passé, on est fier de la République solidaire,
républicaine.
Il
a donc fallu cette tuerie pour se rappeler que la
France est une République une et indivisible, que la transmission des
valeurs
de cette République est essentielle dans les écoles, que la vigilance
critique,
intellectuelle, politique est nécessaire à la cohésion nationale.
Chaque
responsable politique parle, les bonnes intentions,
les vœux pieux on les entend dans tous les médias. On entend même un
Premier
ministre parler d’Apartheid
(en France, il n’y a pas encore de séparation légale
entre communautés comme en Afrique du Sud), de ghetto
(en France, nous
ne sommes ni dans l’Europe de l’Est de l’antisémitisme, ni dans
l’Amérique du
racisme combattu jusque dans les années 1960 où les Noirs n’ont pas les
mêmes
droits que les Blancs), de relégation
(en France, les lois de Vichy transférées en Algérie dans
les années 1940 pour relégation des communistes algériens et des Juifs
déjà frappés
par l’abrogation du décret Crémieux, ne sont plus appliquées). Le
discours du
Premier ministre utilise une terminologie coloniale, colonialiste pour
désigner
les populations des cités et des quartiers, déjà minées par les
discours
victimaires environnants niant la responsabilité de ces nouveaux
citoyens
français qui laissent supposer qu’ils sont traités comme des citoyens
de
seconde zone, pour éviter tout travail de réflexion, d’action sur le
terrain,
leur terrain et assurer une réelle solidarité citoyenne, républicaine
pour
construire un vivre-ensemble bénéfique, gratifiant.
Et
pendant que les guerres terroristes tuent, la trilogie
romanesque Cinquante
nuances de Grey
fait le délice des femmes du monde entier. Les lectrices
achètent par millions de l’érotisme sadomasochiste sous prétexte que
ces
histoires transgressent les tabous dont elles seraient les victimes.
Jusqu’où
peut aller l’aliénation… Comme si rien ne s’était passé avec le MLF,
des
marchands font de la soumission des femmes leur argument de vente.
C’est désolant.
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