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Sébastien Pignon
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Octobre-novembre 2014
La
poupée Bleuette. Les livres brûlent aux Tarterêts syndrome Boko Haram.
À Blois, Rebelles aux Rendez-vous de l’Histoire. Les chibanis
manifestent à Paris. Le juge Trévidic et les crânes des
7 moines
de Tibéhirine en Algérie. Les Sept dormants de Rachid Koraïchi. Paul
McCarthy, plug, phallus et godemiché. Le fils d’Étienne d’Alain Ferry.
Mort
d’Abdelwahab Meddeb. « Rémi, notre frère d’arbre. »
Les
chibanis du 73 rue du Faubourg-Saint-Antoine. Photos des goumiers et
tirailleurs en Corse 39-40. À L’Alouette, Nabilla. « Agence
Renault » à Saint-Pourçain-sur-Sioule. Les Juifs libanais en
diaspora. Le SDF. Les Roms.
Octobre 2014
À la librairie Pages
volantes rue Bartholdi à Paris (15e), les libraires ont
pensé à
moi. Elles me proposent un catalogue « Hiver
1937-38 » de
Bleuette, avec images et textes du trousseau de la poupée. J’ai eu une
poupée Bleuette, mais pas de catalogue. Est-ce que ma sœur Lysel avait
une Bleuette, elle aussi ? Nous avions presque toujours les
mêmes
jouets, les mêmes vêtements à un détail près, je lui demanderai. Nous
sommes, Lysel et moi, presque jumelles, un an de différence,
exactement, de novembre à novembre.
J’ai aimé les poupées. J’osais à
peine le dire dans les groupes de femmes des années soixante-dix… c’est
ainsi que j’ai dirigé le numéro spécial poupées de la revue de Xavière
Gauthier, Sorcières
et que j’ai écrit un article : Mademoiselle
Lili ou l’ordre des poupées, dans un numéro des Temps modernes, Petites
filles en éducation (mai 1976) que j’ai dirigé. À
travers les
brocantes, ici et là, j’ai acheté des albums de Mademoiselle Lili
comme
j’avais acheté plusieurs albums de Bibiche. Impossible de trouver L’abécédaire de Mademoiselle Lili.
Un jour peut-être ? Pour en
faire quoi ? Reproduire des pages dans ce journal, comme je le
fais pour d’autres livres.
Voici les pages de Bleuette :
couverture
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Modèles
1, 2, 3
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Modèles
4, 5 + page catalogue
|
Modèles
4, 5 + page catalogue
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page catalogue
4-5
octobre
Aux Tarterêts, dans l’Essonne, une
voiture bélier a détruit une école et une bibliothèque. Revanche
politique, a-t-on supposé…
Pourquoi, dans ce cas une école, une bibliothèque ? Des livres
brûlés pour des pots-de-vin oubliés ?
C’est
une école, une bibliothèque qu’on voulait éradiquer, des lieux de
savoir, comme le groupe Boko Haram, au Nigeria, contre les écoles et
l’instruction des filles.
11 octobre
À
Blois, pour Les Rendez-vous de l’Histoire, avec Patrice Rötig et Deniz
Ünal, sa femme, pour parler des Rebelles,
le sujet de ces journées pour
lesquelles Michelle Perrot a prononcé son discours de clôture. Avec
Patrice, j’ai parlé des fugueuses dans mes livres, dont la dernière La
fille du métro (éd. Alain Gorius-Al Manar, dessins de
Sébastien Pignon,
2014).
Patrice a pris une photo du café d’en face : L’Agriculture. Je
ne suis pas entrée pour voir les chibanis du tiercé.
Café à Blois, L’Agriculture, 11 octobre. (Photo Patrice Rötig)
15 octobre
Le
quotidien Le Parisien
titre « Les chibanis de l’hôtel Voltaire
manifestent ». Pour la première fois, je crois, je lis
« chibanis » dans la presse, pour désigner les
travailleurs
maghrébins des années 60-70 à la retraite. Quarante chibanis sont
menacés d’expulsion par le propriétaire de l’immeuble de la rue du
Faubourg-Saint-Antoine. Seront-ils relogés ?
Mi-octobre
Crimes
contre les femmes. Crime individuel : à Perpignan, en 1997,
Mokhtaria, une étudiante de 19 ans est agressée, poignardée,
les
seins découpés, les organes génitaux prélevés « les découpes
respectent le plan musculaire », la jeune femme est vidée de
son
sang (comme un mouton). Crime collectif en 2014 à Kobané. Des
prisonnières de l’EI, État islamique (Daech) sont exécutées, égorgées
(comme des moutons), violées. Des femmes yézidies esclaves sexuelles de
Daech en Syrie-Irak se suicident.
Suite
de la série macabre
Le
juge Trévidic arrive au monastère de Tibéhirine où sept religieux
cisterciens ont été enlevés par un groupe armé en mars 1996.
En
mai 1996, le GIA algérien revendique l’assassinat des moines.
Le
juge du pôle antiterroriste, Marc Trévidic doit pratiquer des autopsies
sur les crânes des moines (ils ont été décapités, leurs corps ont
disparu). Dix jours plus tard, la justice algérienne s’oppose au
transfert des échantillons prélevés…
En novembre 2004, les
éditions Actes Sud publiaient Les
Sept Dormants, sept livres en hommage
aux 7 moines de Tibéhirine, de Rachid Koraïchi, avec ses
gravures
et sept textes en français et en arabe, de John Berger, Michel Butor,
Hélène Cixous, Sylvie Germain, Nancy Huston, Alberto Manguel et Leïla
Sebbar.
Du 25 octobre 2014 au 4 janvier 2015, 11 quai Conti,
Monnaie de Paris, Paul McCarthy
L’artiste
américain dénonce, dit-il, la société du spectacle et le consumérisme,
avec son sapin vert godemiché gonflable géant place Vendôme (il a été
dégonflé quelques jours plus tard, pitoyable…). L’affiche de son
exposition « Chocolate Factory », un père Noël en
chocolat
qui porte un phallus en chocolat, son cadeau pour les enfants, garçons
et filles, c’est son phallus ? Un père Noël pédophile… C’est
de
l’art, tout est permis. On doit trouver ça génial au risque d’être un
béotien.
Fin
octobre
Je
lis Le fils d’Étienne
d’Alain Ferry (éd. Apogée, 2014) qui publie un
récit dans le recueil : L’enfance
des Français d’Algérie (éd.
Bleu
autour, 2015) que je dirige, les dernières enfances coloniales que je
publierai.
C’est Albert Bensoussan, un fidèle de ces enfances
algériennes et qui figure dans ce livre, qui m’a fait découvrir Alain
Ferry. Le fils d’Étienne
est un bel hymne au père et à l’Algérie du
père et du fils. Étienne travaille dans un domaine agricole à El-Kous,
près de Bône (aujourd’hui Annaba) dans l’est algérien, il est caviste,
mécanicien, électricien. Il aime son métier et la terre de ses ancêtres
déportés en Algérie en 1848.
Alain Ferry croise deux récits, celui
du père qui écrit son journal, il ne lisait pas, mais il écrivait les
Travaux et les Jours d’un domaine et d’une famille, un témoignage
précieux pour les historiens de l’Algérie française et coloniale et
pour son fils aîné Alain dont le texte littéraire, dans la lignée
paternelle inscrit le père dans la lignée du fils écrivain lettré. Le
père fait don au fils d’une histoire, la sienne et celle des siens, le
fils fait don au père des livres qu’il n’a pas lus et qui le prolongent
dans le fils.
Chaque lecteur, lectrice trouvera dans Le fils
d’Étienne des fragments de son histoire algérienne avec
l’Algérie et la
France. L’Algeria felix, mais aussi les souffrances de la guerre,
attentats FLN et OAS, la mort prématurée d’une mère et d’un frère, le
grand départ, les tribulations en France d’hommes et de femmes
désorientés…
Novembre 2014
La
gauche refuse de réfléchir à la question de l’identité nationale et aux
raisons profondes de la progression du FN, le parti de Marine Le Pen.
La mondialisation a permis l’offensive sauvage du capital et de la
finance internationale qui gouvernent aujourd’hui, à la place des
États. Ils dépouillent les peuples allègrement avec le consentement
d’une Europe libérale (elle devait être sociale…). Quelle autonomie
pour les États-Nations dont les gauches se moquent, quelle indépendance
politique, économique ? Il faudrait un référendum pour l’euro
et
pour l’Europe.
La nouvelle carte des Territoires en France a été
imposée à des régions qui n’en veulent pas. Les Alsaciens, par exemple,
qu’on traite de conservateurs réactionnaires parce qu’ils revendiquent
une identité alsacienne, comme part de leur identité française (tels
les Bretons, les Picards, les Basques…). Des Alsaciennes ont, plusieurs
fois, défilé en costume traditionnel alsacien, pour manifester leur
résistance à ce qui est décidé « d’en haut » sans
consultation.
5 novembre
Mort d’Abdelwahab Meddeb. L’un des grands intellectuels arabes de
l’Islam, de la culture musulmane disparaît.
J’espère que la radio publique France culture rediffusera bientôt ses
émissions hebdomadaires Cultures
d’Islam.
Il
sera inhumé dans son pays natal, la Tunisie. Je lui avais demandé un
texte pour le collectif chez Elyzad, Le pays natal, il n’avait pas
répondu.
6 novembre
Mouvement
de solidarité lycéen pour Rémi Fraisse, le jeune contestataire du site
de Sivens, abattu par des gendarmes, il y a 10 jours. Des
écologistes occupent le site pour empêcher la construction d’un barrage
qui détruira l’environnement, comme à Notre-Dame-des-Landes, près de
Nantes, un aéroport inutile et coûteux en terres agricoles et en euros.
Une manifestation a eu lieu Place de la Nation à Paris et en banlieue
« Justice pour Rémi notre frère d’arbre ». Sur le
Champ de
Mars, des jeunes filles portaient des couronnes champêtres (à la
manière des Femen). Les écologistes politiques au pouvoir ne sont guère
actifs, ils ont leur poste, leur salaire, ils sont bien assis.
10 novembre
Je
vais voir l’hôtel Voltaire d’où la gérante négrière doit expulser les
chibanis à la demande du propriétaire. 73 rue du
Faubourg-Saint-Antoine. On ne voit pas le nom de l’hôtel. Un immeuble
délabré, sur un calicot « Non à l’expulsion
relogement ». Le
groupe « Zebda » a donné un concert pour les chibanis.
J’aperçois
un chibani en Bleu de chine, sac plastique à provisions, il entre dans
l’immeuble, discrètement. Une chambre coûte 380 à 510 euros
par
mois… pour 40 chibanis, deux toilettes turques offertes par la
marchande de sommeil.
Les chibanis expulsés du 73 rue du Faubourg-Saint-Antoine Paris 11e
(11 novembre 2014. Coll. Part.) |
73 rue du Faubourg-Saint-Antoine Paris 11e (11 novembre 2014.
Coll. Part.) |
73 rue du Faubourg-Saint-Antoine Paris 11e (11 novembre 2014.
Coll. Part.) |
73 rue du Faubourg-Saint-Antoine Paris 11e (11 novembre 2014.
Coll. Part.) |
Du 1er
au 30 novembre 2014
Au
Musée de l’Histoire de l’Immigration, dont Benjamin Stora est le
nouveau Président du Conseil d’orientation, une exposition Memoria de
Roberto Battistini. Des portraits émouvants de goumiers et tirailleurs
qui se sont battus en Corse pendant la Seconde Guerre mondiale. J’ai
vu, lors d’un voyage en Corse avec D., un monument qui leur rendait
hommage. Je ne retrouve plus les photographies prises ce jour-là.
12 novembre
À L’Alouette,
après l’arrestation de
Nabilla de la téléréalité, soupçonnée d’avoir poignardé son compagnon
dans un hôtel.
Au comptoir, Karim et un jeune et gros client noir.
K. : La télé, elle va financer… elle va donner la caution.
Nabilla, elle sera vite dehors…
Le Noir : Nabilla, son mec il l’a frappée, elle s’est
défendue, elle l’a planté.
K. : Nabilla, elle a pas un gros cerveau… Son mec, elle l’a
planté, elle est en prison et en plus, il la défend.
Le Noir : C’est comme ça, on court après celle qui te donne la
misère…
19 novembre
Patrice Rötig m’envoie une carte postale ancienne d’un garage Renault
que j’avais photographié à Saint-Pourçain-sur-Sioule.
Saint-Pourçain-sur-Sioule
Fin
novembre
J’ai
lu dans le quotidien Libération,
que des couples de la diaspora juive
libanaise, en exil depuis longtemps, reviennent au Liban pour concevoir
un enfant qui ait un lien avec la terre des ancêtres.
Il reste
1 500 Juifs au Liban et une synagogue sur dix-sept, Maghen
Abraham, inaugurée en 1926, en cours de restauration. Yves Turquier qui
a écrit un récit d’enfance à Beyrouth dans Une enfance juive en
Méditerranée musulmane, un collectif de 38 textes
inédits, du
Maroc à la Turquie publié aux éd. Bleu autour en 2001 a fait un
documentaire passionnant sur les Juifs libanais de la
diaspora : Petite
histoire des Juifs du Liban (2007).
Le SDF du banc vert
sous le viaduc se regarde dans la vitre d’une agence immobilière. Il
lisse sa barbe et ses cheveux longs, longuement.
Les Roms qui
dormaient sous le viaduc, déménagent en famille, tentes Quechua, vert,
bleu, marron, les vêtements et les matelas, poussettes et valises. Où
vont-ils ?
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