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Sébastien Pignon
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Septembre 2014 (complément)
Le
Périgord noir de Véronique Filozof. Le SDF du viaduc. Le maire FN
d’Hayange (Moselle) fête le cochon « son cousin ».
Les
Yazidis persécutés. Au musée Grévin, Poutine assassiné. Les prisons,
lieux de mémoire. Des noms écologiques pour les opérations militaires.
L’Auvergnate Sarrazine… de Sylvette Dupuy. Ma sœur Lysel et son fils
aîné Karim en Algérie. Un porcelet mort devant la porte de la mosquée
de Pontarlier. « Not in my name. » Père et fille roms
dans la
rue.
3 septembre
À
la librairie Pages volantes (7 rue Bartholdi 75015 Paris) chez Pascale
Celereau et Liliane Ruetsch, côté salon, je feuillette, parmi les
livres anciens (adultes et jeunesse), un livre étrange, Le Périgord
noir de Véronique Filozof (5 juillet 1969 sur les
presses de
Ch.
Bernard, Paris 18e). Dessins en noir et blanc qui me font penser aux
dessins de l’Iranienne Marjane Satrapi. La vie paysanne, quotidienne,
les travaux et les jours, en Dordogne, le pays de ma mère.
Comme
l’auteur, j’ai assisté aux battages, aux vendanges, au gavage des oies,
condamné aujourd’hui par les écologistes… Je suis allée au marché, à
Beynac, et j’ai vu des alambics près de la Gonterie non loin de
Brantôme.
La batteuse
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Les vendanges
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Le
gavage des oies |
Le marché à
Sarlat |
Début
septembre
Il
se promène sous le viaduc, les mains derrière le dos, comme un
instituteur dans sa classe. Il tourne en rond, ne s’éloigne jamais du
banc vert où la bouteille de vin est posée contre les pieds en fonte.
Il dort dans le coin de la descente vers le parking. Le matelas roulé,
il le dissimule dans les buissons du HLM derrière l’agence BNP, à côté
de la valise en carton.
Il lui arrive de bavarder avec une
assistante sociale, assise près de lui sur le banc vert. À l’heure du
déjeuner, elle boit avec lui, à la bouteille, le même vin
rouge ?
Des enfants noirs et arabes de la cité le harcèlent, l’insultent. Il
les menace. En vain.
Le
soir dans la rue, vers la petite place de l’église blanche, en face du
pâtissier-boulanger « Meilleur ouvrier de France »
L.D., il
crie en marchant « Sales Bougnoules de merde… Sales Nègres…
qu’est-ce que vous foutez, ici, en France… Retournez chez vous… Sales
putain d’Arabes et de Négros. » Il crie très fort, malgré
l’alcool, sa voix porte. Les fenêtres ne s’ouvrent plus, on le connaît.
Au cinquième étage, une vieille femme appelle
« Bambino !
Bambino ! ». Elle attend que quelqu’un lève la tête
vers
elle, elle salue la personne curieuse qui lui fait signe et elle
reprend son appel.
Les SDF ne viennent plus sous le viaduc. L’homme
qui boit et vocifère est le seul, depuis plusieurs mois. Les Roms ont
remplacé les SDF. Sous le viaduc, contre le mur du métro Glacière, des
tentes « Quechua » bleu, vert, brun. Des familles les
habitent, hommes, femmes, enfants qui mendient près des boulangeries du
quartier. Chacun sa place.
Un père et sa fille sont assis à côté de
la boulangerie-pâtisserie, rachetée par des Chinois, L’atelier des
saveurs. Le vieux Jean, plié en deux, n’est pas parti. Il
moule les
baguettes derrière la caisse de la patronne, une Chinoise, petite et
efficace. Il a un apprenti chinois.
15
septembre
Le
jeune maire FN de Hayange en Moselle (ex-militant Lutte Ouvrière,
ex-syndicaliste CGT) fête le cochon « son cousin »,
dans sa
ville. Il a demandé la fermeture d’une boucherie Hallal, le dimanche.
C’est lui qui a fait peindre en bleu la sculpture d’un artiste, un bloc
de fonte symbolisant la mine. Le maire a 36 ans, il s’appelle
Fabien Engelmann.
16
septembre
Dans
le quotidien Le Figaro,
le récit de la persécution des Yazidis,
communauté religieuse de culte zoroastrien. « L’État
Islamique » assassine les hommes, capture les femmes qui
seraient
(les jeunes et les plus belles) envoyées dans les pays du Golfe comme
esclaves sexuelles.
17
septembre
Le
procès d’une Femen ukrainienne réfugiée en France, Iana Zhdanova,
26 ans. Elle a poignardé le mannequin de cire de Vladimir
Poutine
au musée Grévin, à Paris, devant les visiteurs ahuris. Sur la photo de
Libération,
elle brandit un poignard ensanglanté, elle est seins nus,
des inscriptions rouges sur la poitrine. La Femen comparaît devant le
Tribunal correctionnel de Paris pour « dégradation d’un bien
appartenant à autrui » et « exhibition
sexuelle ». Le
musée Grévin a porté plainte. La jeune Ukrainienne a été incarcérée en
Ukraine. À sa sortie de prison en août 2013 elle gagne la France où
elle obtient le statut de réfugiée.
19
septembre
Comme
la France brade son patrimoine (vignobles, monuments, châteaux, hôtels
particuliers…), elle veut priver de mémoire des prisons désaffectées.
« La petite Roquette » où ont été incarcérées des
femmes
militantes de la cause algérienne (1954-1962) a été rasée en 1984.
« La Santé » est fermée p our travaux. Des
Algériens
ont été
enfermés durant la guerre d’indépendance dans cette prison du
XIVe à Paris. On voit ses hauts murs depuis le boulevard
Arago. On
entendait les détenus parler avec les familles de l’autre côté du
boulevard (dans mon roman La
Seine était rouge, 17 octobre 1961, Babel
Actes Sud, on peut lire les plaques apposées sur les murs, rappelant
les jeunes fusillés de la guerre 39-45).
20
septembre
Les interventions militaires en Afrique et en Irak tiennent compte de
l’écologie… Une formule d’humanisme ?
Opération Serval du nom d’un félin au Mali
Opération Sangaris du nom d’un papillon en Centre Afrique
Opération Barkhane du nom d’une dune saharienne
Opération Chammal du nom d’un vent du Nord-Ouest de l’Irak
La France, supplétif des Américains, bombarde en Irak les positions de
« l’État Islamique » avec des Rafales.
Je
reçois de Sylvette Dupuy (petite-fille d’Aimé Dupuy, l’auteur d’un
livre que mon père m’a donné, sur la fameuse École Normale
d’Instituteurs de Bouzaréa à Alger où mon père a rencontré Mouloud
Feraoun), la carte postale d’une Auvergnate en « costume de
pays », elle lui trouve « l’air d’une
Sarrazine ».
Jff29-5.jpg : Carte postale – Types d’Auvergne.
Septembre
Ma
sœur Lysel et son fils aîné Karim passent quelques jours en Algérie.
Tlemcen et Hennaya notre village d’enfance, l’école de garçons de mon
père, son bureau, les archives (j’aurai bientôt des photos prises par
Karim). Je ne suis jamais revenue à Hennaya. Oran où ils retrouvent
Nicole Chagny, l’amie d’enfance de Sidi-Bel-Abbès et la famille
paternelle, la femme et les enfants de l’oncle Rezac, le jeune frère de
mon père ; Blida, l’école de mon père que j’ai revue il y a
dix
ans, et les nouveaux minarets à la turque qui rappellent l’occupation
ottomane ; Alger, la fin du voyage.
Ma sœur a retrouvé l’Algérie qu’elle n’avait pas revue depuis
longtemps. Heureuse.
Blida, l’école de garçons de mon père (photo
Lysel Sebbar,
septembre 2014).
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Blida, le kiosque et les nouveaux minarets (photo Lysel Sebbar,
septembre 2014).
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Alger, la Casbah
(photo Lysel Sebbar, septembre 2014) |
Alger, le Jardin d’Essai
(photo Lysel Sebbar, septembre 2014). |
Un
otage français, guide de montagne, a été enlevé le
18 septembre
par un groupe islamiste en Kabylie. Il sera exécuté. Il s’appelait
Hervé Gourdel.
À Paris, au comptoir de L’Alouette, mon café du
matin, deux jeunes Arabes bavardent. Ils parlent de l’exécution de
Hervé Gourdel. L’un d’eux plaisante : « Ils avaient
faim ou
quoi ? On décapite comme une tête de mouton… Ils vont manger
un
pied de Français, pas un pied de cochon… » Ils rient.
22
septembre
Un
cadavre de porcelet mort a été déposé devant la porte de la mosquée de
Pontarlier, dans le Doubs. En janvier, une croix gammée avait été
dessinée sur la porte de la même mosquée. Lors de son voyage en Égypte,
Bonaparte n’a pas interdit à ses soldats de jeter des morceaux de
cochon dans une mosquée.
24 et
26 septembre
Sur
les réseaux sociaux, de jeunes musulmans britanniques brandissent une
pancarte contre les assassinats djihadistes en Irak et en
Syrie :
« Not in my name »
La
Grande Mosquée de Paris organise un rassemblement pour protester contre
les exactions de « l’État Islamique » au nom de
l’Islam.
Fin
septembre
Père
et fille. Le père, brun, des bosses sur le front, maigre et frêle, il
embrasse sa main droite lorsque quelqu’un lui donne des pièces. La
fille, 9-10 ans, la peau blanche, les yeux gris-vert, elle est
jolie. Des femmes achètent pour elle des viennoiseries et des baguettes
fraîches. Elle s’appelle Katiana. Elle fait comprendre qu’ils
retourneront bientôt en Roumanie. La mère, petite et brune, édentée,
s’assoit sur la bouche du métro pour avoir chaud. Sa fille, 4-5 ans,
s’amuse sous le viaduc. Une poupée, un berceau rose, une trottinette
rose, dans la poussette des provisions. Elles restent là, le temps du
marché découvert. Un homme massif, blond, les cheveux en brosse s’est
allongé près d’elles. Il regarde un livre pour enfants avec la petite.
Quel lien avec la mère ? Je l’ai vu deux fois. Il n’a enlevé
ni la
petite ni Katiana. J’ai pensé qu’il rôdait, ainsi, pour les enfants.
J’ai
vu le père et la fille au coin de la boulangerie, au bout de la rue de
la Glacière et devant la boulangerie Daviel sur le banc vert, la
pâtisserie Mulot est à côté, pas de SDF ni de Roms à proximité.
Katiana ne va pas à l’école.
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