Leïla Sebbar romancière et nouvelliste
                                                 
                 Journal d'une femme à sa fenêtre
                                     suite 53
                                 (juillet-août)




     Sous le viaduc, 13e, juillet/août 2017                                 (coll. part.)

Juillet-août 2017

 L’été dans les villes. Laideur des corps dénudés. Un conte oriental. Festival d’Avignon. Mohamed Kacimi attaqué par la ministre de la Culture d’Israël pour sa pièce sur la mort de M. Merah. Colloque de Cerisy avec Sabrinelle Bédrane sur la nouvelle. Houlgate avec Albert Dichy sur L’Orient est rouge. En Kabylie, des manifestations pour la liberté d’expression culturelle. La femme en blanc. Mur souterrain autour de Gaza. À Barcelone, attentat islamiste meurtrier. Le colleur d’affiches de la ligne 6 à Paris.

Début juillet

C’est l’été. Vive l’hiver.

L’été. Le soleil. La chaleur. Autant de prétextes pour se dénuder. Apparaissent les corps, leurs défauts et disgrâces. L’été dans les villes est indécent et triste. Ma sœur Lysel, lorsque je lui décrivais la laideur de la rue citadine d’été, me trouvait intolérante, injuste. Elle avait raison. Je n’aime pas l’été.

Vivement l’hiver où les corps ne se montrent pas. On peut les imaginer. Des vêtements seyants laissent présager un corps désirable. On regarde les passants et les passantes, on les suit, on se retourne, ils sont séduisants et peut-être beaux…

 

À la librairie Corcelle, rue de Condé à Paris 5e, en attendant l’alphabet de Mlle Lili, j’ai acheté un « Petit père Castor » Le tapis volant, une édition de 1935. Un beau conte oriental. Trois jeunes princes, des frères, aiment leur cousine. Ils devront subir des épreuves pour savoir lequel des trois sera l’heureux époux.

                  Le sultan et ses trois fils.                le départ       le retour au palais sur le tapis volant.


Mi-juillet

Mohamed Kacimi et Yohan Manca font l’objet d’une plainte pour apologie du terrorisme pour la pièce programmée et jouée au Festival d’Avignon du 6 au 11 juillet : « Moi, la mort, je l’aime, comme vous aimez la vie » de Mohamed Kacimi sur Mohammed Merah, le terroriste islamiste toulousain. La ministre de la Culture israélienne demande à la ministre de la Culture française d’interdire le spectacle. La dernière représentation de la pièce s’est déroulée le 11 juillet, sans incident. Y aura-t-il un procès ?

18 juillet

Au colloque de Cerisy-la-Salle, un entretien avec l’universitaire Sabrinelle Bédrane sur la nouvelle, les nouvelles, en particulier Le ravin de la femme sauvage et L’Orient est rouge (éd. Elyzad, 2017). Nous avons aussi parlé du recueil Une enfance dans la guerre, Algérie 1954-1962 (éd. Bleu autour, 2015) où figurent des textes brefs inédits d’auteurs nés en Algérie, enfants durant la guerre de libération algérienne.

20 juillet

À Houlgate. 16e rencontres d’été, théâtre et lecture en Normandie, organisées par Philippe Müller et Vincent Vermillet. Albert Dichy mène la rencontre avec moi. Il est directeur littéraire de l’IMEC (Institut des Mémoires et de l’Édition contemporaine) où j’ai déposé mes archives. Nous parlons de L’Orient est rouge et de Je ne parle pas la langue de mon père, L’arabe comme un chant secret, Sur la colline une koubba, réédition de deux récits et d’une nouvelle inédite. Des commentaires critiques, des aquarelles de Sébastien Pignon, un cahier photos (éd. Bleu autour). Albert Dichy, né au Liban, spécialiste de Jean Genet, dit qu’« on entend une mélopée arabe » à la lecture de mes textes, ce qui me fait plaisir parce que j’ai écrit ces textes en hommage à mon père.

J’ai marché sur la digue, la mer était là, comme à Port-Say en Algérie.

                                                          Houlgate, 20 juillet 2017 (coll. part.).

22-23 juillet

Sur la porte de la salle de prière musulmane, à Pont-de-Beauvoisin, dans l’Isère, une tête de sanglier.

Fin juillet

Après l’interdiction d’un café littéraire en Kabylie, à Aokas, des milliers de citoyens algériens ont défilé, un livre à la main, pour le droit à la culture, au débat intellectuel, à la liberté d’expression.

Août

Classer mes archives pour l’IMEC. Mettre à jour, j’ai commencé il y a 4 ans, à la demande de l’IMEC. Ferdinand et Sébastien n’auront pas la charge de mes dossiers. Je suis soulagée. Je peux les consulter à l’Abbaye d’Ardenne, près de Caen, quand je le souhaite. Poussière du mois d’août et des papiers…

La femme en blanc, sur un mur de la rue Abel Hovelacque dans le 13e. Elle était belle. Elle est taguée, déchirée. Elle sera bientôt la femme invisible.

                                  Rue Abel Hovelacque, 13e, février/mars/avril 2017 (coll. part.).
                                         Rue Abel Hovelacque, 13e, mai/juin 2017 (coll. part.).
                                       Rue Abel Hovelacque, 13e, juillet/août 2017 (coll. part.).

Mi-août

Un mur souterrain autour de Gaza pour empêcher les combattants du Hamas d’utiliser les tunnels contre Israël. Barrière de sécurité, mur qui asphyxie davantage Gaza qui est déjà une prison à ciel ouvert. Un mur de 64 km, qui sera achevé en 2019. C’est le nouveau projet d’Israël contre les Palestiniens. La colonisation se poursuit dans les territoires occupés. Comment croire à la possibilité d’un État palestinien ? Sur quelle terre ? Depuis plus d’un demi-siècle, Israël s’approprie impunément des terres qui ne lui appartiennent pas, un hold-up permanent auquel personne ne s’oppose. Les Palestiniens sont abandonnés par la communauté internationale.

 

Un double attentat islamiste à Barcelone sur les Ramblas. 13 morts, 50 blessés. À 150 km, dans une station balnéaire. 7 blessés. Un groupe d’amis et de frères hispano-marocains se préparait depuis plusieurs semaines. Ils ont grandi en Catalogne, sont allés à l’école en Catalogne, parlent le catalan et l’espagnol. Certains travaillaient. Les terroristes ont agi au nom de Daech.

Fin août

Sous le viaduc, sur un pilier un artiste au pochoir.
Sur la ligne 6, Étoile-Nation, le colleur d’affiches, le même depuis que je prends la ligne 6, à Glacière ou Corvisart. Habile, efficace. Sébastien a peint de belles aquarelles de colleurs d’affiches dans le métro parisien, pour Le pays de ma mère, Voyage en Frances (éd. Bleu autour, 2015).

                                  Le colleur d’Affiches, ligne 6, 13e, juillet/août 2017 (coll. part.).

 


              

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