Burkini, le corps des
femmes musulmanes. Les Roms sous le viaduc. Celui
qui règle les amendes du niqab interdit. La Dordogne. Sébastien et
Lucien. Les
arcs en bois d’if. Le peintre orientaliste, Gustave Guillaumet à
Brantôme.
Lettre à ma sœur Lysel, outre-tombe, ses arbres à La Gonterie.
Début
août. En France.
Avec l’été, les jeunes filles et
les femmes montrent presque tout.
Des femmes musulmanes,
malgré
l’été et la chaleur se couvrent des cheveux à la cheville,
scaphandrières en burkini, nouvelle
prison du corps
féminin « à la mode ». On dit que ce n’est qu’une
mode… Mais le burkini, vêtement
aquatique, ne passera
pas plus que le jilbeb et le niqab citadins. Année après année, ces
vêtements
continuent à dissimuler le corps entier des femmes. Corps interdit à la
volupté
de l’eau marine, de la brise et des zéphyrs, sous prétexte qu’il excite
le
désir des hommes hors de la chambre conjugale.
Le corps des femmes musulmanes
appartient au mari et au clan les plus rigoristes, les plus radicaux.
Des
féministes musulmanes disent, comme dans les années MLF,
1970-80 :
« Notre corps nous appartient », elles disent
qu’elles sont libres de
s’habiller comme elles le veulent, feignant de ne pas comprendre
qu’elles ne vivent
pas en pays d’Islam, et qu’elles affichent ainsi leur totale adhésion à
la
communauté avec toutes les prescriptions qu’elle impose aux femmes, et
qui les
infériorisent.
Séparer le corps féminin du corps
social
Séparer le corps masculin du
corps féminin
Séparer le corps paternel du
corps maternel
Planter des barbelés, des murs,
des grilles… Enfermer les femmes dans un patio blindé, séparé de la
place
publique et politique.
En Corse, sur une plage de Sisco.
Rivalité viriliste entre
Marocains musulmans et jeunes Corses. L’enjeu : des femmes qui
se baignent
habillées. Les hommes du clan marocain ont occupé une plage, la
privatisant
contre les regards étrangers. Le clan corse s’insurge, face à cette
appropriation abusive. Insultes, bagarres… Interpellations.
Dans les années 1980, les
Marocains ouvriers agricoles étaient peu nombreux. Avec le regroupement
familial, la sédentarisation en Corse, la population a considérablement
augmenté. Je me rappelle ces années-là, à Cargèse, on allait à
« la plage
des savants » (il y avait une école de physique dirigée par
Charpak, le
scientifique Prix Nobel). Sur les murs le long de la route, on pouvait
lire
« Arabi fuori » « Les Arabes
dehors ». Ces inscriptions
ont-elles ressurgi après Sisco ? Je demanderai à mon ami
Jean-Pierre
Castellani qui passe l’été en Corse pour les livres collectifs qu’il
publie
chez Jean-Jacques Colonna d’Istria, à Ajaccio. Jean-Pierre a collaboré
à des
collectifs d’enfance en Algérie avant 1962 et pendant la guerre de
libération,
avec moi, publiés aux éditions Bleu autour, ces dernières années.
Jean-Pierre
me dira ce qui se passe, si la situation s’est aggravée.
Mi-août
Le SDF s’assoit toujours sur le
banc vert face au jardin du Mail de Bièvre, de l’autre côté du
boulevard
Blanqui. Un jardin fruits et légumes, luxuriant, œuvre des
« Jardiniers de
l’atelier ouest du 13e ». Je crois
avoir compris qu’ils
participent à un concours.
Des Roms se retrouvent le soir
sous le viaduc. Je ne vois plus la famille de Tatsiana. Elle part
régulièrement
en Roumanie et revient, pour travailler, chacun, chacune à son poste
sur le
bitume avec les enfants et nourrissons, main tendue vers le passant, la
passante. Les femmes donnent, les hommes, non. Pour les
« déjections
canines », les femmes ramassent, les hommes, non…
Paris
13. Sous le viaduc, les Roms, août 2016 (coll. part.).
Il
existe un « Fonds de
défense de la liberté » créé en 2010 pour régler les amendes
concernant le
port du niqab interdit dans l’espace public. C’est un riche
entrepreneur algérien
qui règle ces amendes.
Chaque fois qu’une critique
fondée est émise sur tel ou tel signe de radicalisation communautariste
qui
attente à la laïcité, le CCIF (collectif contre l’islamophobie en
France)
s’emploie à dénoncer l’islamophobie d’un individu, d’un groupe, d’une
personnalité.
Fin août
En Dordogne.
Avec D., Sébastien et son fils
Lucien. L’olivier de Lucien pousse haut. Sébastien taille des arcs dans
le bois
d’if du jardin comme il le faisait pour Ferdinand à 10 ans.
Lucien a
10 ans. Il apprend à tirer avec un arc aussi grand que lui. On
va à
Montagrier, à Nontron où Lucien avait été piqué par une guêpe sur la
terrasse
d’un café. J’avais tué la guêpe, il s’en souvient. J’achète pour lui un
couteau
« Nontron » au manche de bois blond, un couteau
d’office pour
Sébastien et pour Saskia.
À Brantôme, Chez Domi,
au bord de la Dronne. Je vais revoir les deux toiles de
Gustave Guillaumet, dans la mairie. « Madame la
Maire » me reçoit. La halte des
chameliers devrait figurer
dans l’exposition Guillaumet à La Rochelle, organisée par
Marie Gautheron. La femme au bord de l’oued
aussi,
j’espère, une autre version de celle exposée au Musée d’Orsay dans la
salle des
orientalistes.
Sur les routes du Périgord des
pancartes « Non à une forêt d’éoliennes en
Dordogne ». Le pays des
bois, le Périgord vert, le pays de ma mère sera défiguré au nom de
l’écologie…
Avec D. Chez Domi
sur la terrasse. Sébastien et Lucien sont partis. Le
train Angoulême-Paris a eu une heure de retard. Lucien inquiet pour
l’école, le
lendemain.
Les habitués du café parlent,
assis près du bar : « Moi, ce qui m’a sauvé de Paris,
c’est l’espoir
de revenir, ici, où je suis né, à Brantôme… Mon premier pantalon,
c’était un
pantalon Davy Crockett pour Noël, j’avais 9 ans. Avant, je
portais des
culottes courtes avec des chaussettes en laine, tricotées par ma
grand-mère. Je
suis pas frileux, c’est pour ça… »
La boulangerie de la rue qui
longe le café Chez Domi ferme.
C’était le meilleur pain de Brantôme.
La
Gonterie. La maison, août 2016 (coll. part.).
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À
Chenaud, la maison du père de ma mère, Henri Bordas, août 2016
(coll.
part.).
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À
Chenaud, la cigogne, août 2016 (coll. part.).
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Chenaud
en Dordogne, août 2016 (coll. part.).
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Montagrier,
l’école primaire, août 2016 (Lucien et Sébastien)
(coll. part.).
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À ma sœur Lysel, j’écris
outre-tombe, pour lui raconter La Gonterie, le néflier florissant comme
en
Algérie, le mûrier qu’elle a planté et qui donne des rouges, aussi
bonnes que
celles d’Hennaya, près de Tlemcen, et l’eucalyptus foudroyé par le gel,
son
eucalyptus, repousse, il est plus haut que les bambous. On irait
marcher dans
les bois jusqu’à la Cotencie, d’où les chevaux ont disparu. On
ramasserait des
plumes de geai bleues. Je lui dirai « Tu es là avec
nous ».
Frédéric
Mitterrand va tourner un
documentaire sur les lieux de François Mitterrand, Saint-Aulaye,
Aubeterre-sur-Dronne, Saint-Pivat-des-Prés, où avec les enfants Dupuy,
nous,
les amis d’Algérie, avons découvert les prés, les rivières… La liberté
de courir
dans le village et la campagne du Périgord vert.
J’écris
ce texte du journal au Select. Le
garçon parle avec un client
qui voudrait faire un livre sur Le Select.
Il va publier sur Internet son deuxième livre.
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